Nous sommes ici aujourd’hui à ESSENG NDONG par AKOM II pour honorer la mémoire de l’Ancien combattant ANGO Ruben, une des figures mythiques de ces grands camerounais qui ont fait la 2ème Guerre mondiale. L’événement est à la fois douloureux et très émouvant.
Aussi de rappeler à l’assistance, aux camerounais et au monde entier le parcours de ce patriarche et digne fils Boulou devient un exercice très difficile. Mais le devoir de mémoire auquel je suis soumis me commande de vous présenter l’Homme et ce qu’il représente pour ses frères d’arme et pour son pays. Papa ANGO n’est plus et la grande famille des Anciens Combattants, Anciens Militaires et Victimes de Guerre du Cameroun perd ainsi un Sage au sens pur du terme.
Monsieur le Gouverneur Honorables invités Mesdames et Messieurs Avant de poursuivre mon propos, j’adresse mes vifs et sincères remerciements à sa famille qui a accepté que nous organisions cette cérémonie ; une cérémonie de recueillement, une cérémonie d’évocation, une cérémonie de reconnaissance à ce grand camerounais dont le courage, la force, la poigne, l’abnégation et le don de soi ont été reconnus en France le 15 Août 2004 par le Président CHIRAC à bord du Porte Avion CHARLES DE GAULLE, alors qu’il venait d’être décoré dans la même matinée de la médaille de la Légion d’Honneur à CAVALAIRE, une ville située non loin de TOULON, par Mme MICHELE ALLIOT-MARIE, Ministre français de la Défense.
Je vous remercie particulièrement Monsieur le Gouverneur, vous qui, malgré vos multiples occupations, avez accepté de rehausser de votre présence, la dimension de cet événement que nous, Anciens Combattants, Anciens Militaires et Victimes de Guerre du Cameroun, voulons hautement solennel. Il en est de même de vous tous, venus partager avec la famille du défunt, la douleur et le souvenir. Vous avez tenu à honorer la mémoire d’un père, d’un parent, d’un ami, d’un compagnon d’armes, de quelqu’un que vous avez tant aimé, de celui qui a honoré notre pays de par sa bravoure et de par ses mérites tant dans les Forces Françaises Libres que dans les Douanes Camerounaises qu’il a servi jusqu’à sa retraite.
A 82 ans, on ne meurt pas, on se repose. Voici une véritable bibliothèque qui nous quitte et que nous avons tenus à nous recueillir sur sa tombe aujourd’hui avec tout le respect qu’il mérite.
QUI ETAIT CE GRAND HOMME DONT NOUS HONORONS AUJOURD’HUI LA MEMOIRE
Né le 02 Décembre 1919 à Ebemvok par AKOM II, juste au lendemain du début de la 2ème Guerre mondiale, le jeune ANGO Ruben s’engage volontairement dans les Forces Françaises Libres le 16 Décembre 1941 comme chauffeur pour la durée de la guerre au titre de l’Artillerie du Cameroun 01 an 05 mois et 29 Jours après l’Appel du Général DE GAULLE du 18 Juin 1940. Ainsi commence un long, dur et périlleux parcours. Affecté au Bataillon n° 15 au Tchad, il stationnera par la suite de 1944 à 1945 à INGUEZZAM et BRISKA en Algérie, HAMMAMMET et MENZEL DJEMIL en Tunisie, reviendra en Algérie cette fois-là à ORAN, il embarquera à MERS EL KEBIR pour la France, où il débarquera le 15 Novembre 1944 à MARSEILLE et stationnera un mois plus tard à ANTIBES. Le 25 Mars 1945 il arrive à VERTHEUIL, participe aux opérations à la pointe de GRAVE jusqu’au 20 Avril. La pointe de GRAVE est située à l’extrémité de la presqu’île du MEDOC dont la possession par l’ennemi permettait aux navires alliés l’utilisation de l’important port de BORDEAUX
Sans blindés et avec de faibles moyens d’appuis d’artillerie, son Bataillon de Marche et lui compris, franchit en force la zone pour s’emparer de VIEUX-SOULAC en faisant plus de 300 prisonniers. Le 28 Avril 1945, il arrive à LUCON, participe aux opérations dans la poche de la ROCHELLE. Il stationne ensuite à ROCHEFORT, BORDEAUX, PAU puis OLORON. Le 22 Septembre, il stationne au Camp de SAINT DENIS d’AMBARES puis affecté à la 3ème Compagnie du Bataillon n° 14. Le 07 Février 1946, il embarque à BORDEAUX à destination du Cameroun où il est démobilisé le 1er Juin 1946 et rejoint sa famille qu’il n’avait pas vue depuis 05 ans.
Grâce à son audace dans toutes les phases du combat, il a affronté avec courage l’épreuve du feu, de la peur, de la souffrance car pour lui, il fallait se battre avec courage, foi et honneur afin qu’un jour il soit l’un des artisans de la victoire finale, afin d’inscrire son nom sur la stèle des glorieux combattants de la 2ème Guerre mondiale et marquer ainsi l’histoire.
C’est de lui et de ses camarades que le Président Jacques CHIRAC a qualifiés de « chasseurs d’Afrique, goumiers, tabors, spahis, tirailleurs, zouaves, combattants exemplaires, souvent héritiers de traditions guerrières immémoriales, admirables de courage, d’audace et de loyauté ». Pour conclure, il déclarera « Qu’ils ont été les inlassables artisans de la victoire ».
Monsieur le Gouverneur Honorables invités Mesdames et Messieurs
Voilà donc l’Homme pour lequel nous sommes réunis ici à ESSENG NDONG.
Aux anciens combattants et anciens militaires présents et à ceux dont l’éloignement, la maladie et les contraintes diverses n’ont pas permis de se joindre à nous, j’adresse le témoignage des honorables services qu’ils ont rendus à la Nation et aux peuples amis de notre cher et beau Pays le Cameroun. En cette circonstance hautement mémorable, le peuple tout entier reconnaît vos mérites
Au nom du Ministre Délégué à la Présidence Chargé de la Défense, Au nom de Monsieur le Gouverneur de la Province du Sud ici présent, Au nom de tous les compagnons d’Armes, des membres de l’Office National des Anciens Combattants, Anciens Militaires et Victimes de Guerre du Cameroun et en mon nom personnel,
J’adresse à la famille si durement éprouvée, nos condoléances les plus attristées ainsi que l’expression de notre profonde compassion. Qu’elle soit assurée de notre solidarité, de notre soutien et de notre sollicitude.
Papa ANGO, le poète Léopold Sédar SENGHOR a écrit dans son poème liminaire onaties noires je cite : « Vous Tirailleurs Sénégalais, mes frères noirs à la main chaude sous la glace et la mort, Qui pourra vous chanter si ce n’est votre frère d’armes, votre frère de sang » fin de citation. Aujourd’hui, nous sommes tous là, nous tes frères et enfants de l’Office National des Anciens Combattants, Anciens Militaires et Victimes de Guerre du Cameroun pour chanter tes mérites. Tu as lutté pour la pacification des peuples et servi ton pays avec amour, honneur et fidélité. Dans ta vie, tu as formé des hommes et des femmes dans le métier de douanier et œuvré pour que d’autres fassent leur vie dans la carrière militaire. Aujourd’hui, ils poursuivent l’œuvre que tu as entreprise.
Tu as tout donné à la postérité ; ton nom restera à jamais gravé dans les cœurs de tes compagnons d’Armes, de toute ta famille, de tous ceux qui t’ont connu et aimé. Tu resteras pour nous une source intarissable d’inspiration, un exemple de courage et d’honneur dans la gloire. Et comme l’a si bien dit Marc ARTHUR, « Les soldats ne meurent pas ; ils s’effacent » .
Que le Seigneur t’accorde le bonheur céleste et que la terre de tes ancêtres te soit légère. Repose en Paix.